‘Meurtres pour Rédemption’ de Karine Giebel

Lessivé. Autant par cette excellente lecture qui essore jusqu’à la moindre goutte toutes nos émotions que par sa longueur, hors norme. J’ai longtemps hésité à le lire, et ce même en voyant les avis ô combien élogieux qui traînent un peu partout sur le net. Car oui : les gros bouquins me rebutent. Ils pourraient aussi bien renfermer des trésors, autant de diamants bruts qui ne demandent qu’à être lus, rien y fait, mon esprit se heurte à une foutue barrière psychologique. La contourner n’est pas facile. Mais cette fois, j’ai réussi. Un monceau énorme, bouleversant. Une pluie diluvienne poétique et violente qui s’est abattu sur ma petite tête. Seul « regret »: ne pas l’avoir lu d’une traite. Les nombreuses pauses ont coupé mon élan et les liens que j’essayais de tisser avec Marianne & Co. Ce n’est qu’un détail, tant l’histoire contée par Giebel est poignante et retourne les tripes.

LUTTE CHIMÉRIQUE

Marianne est jeune. Presque une enfant. Une enfant qui a les mains déjà salies par le sang. À vingt ans, son existence se fracasse sur un mur, la brisant net : condamnée à perpétuité pour homicides. Ses traits fins, son apparente fragilité associée à un langage à priori courtois dissimulent en réalité un être écorché vif, incapable de maîtriser ses nerfs. D’une incroyable agressivité, dotée d’une force inouïe compte tenu de son gabarit, le temps qui lui est imparti sur Terre ressemble à un long chemin de croix. Elle aspire à la vengeance, contre ses parents, ses grands-parents. Contre elle-même et le monde entier. Une lutte chimérique, perdue d’avance. La prison comme seul avenir. Un nouveau départ est-il envisageable ? Comment saisir une seconde chance quand tout s’écroule autour de soi ? Marianne le découvrira lorsque trois hommes demandent sa présence au parloir. Une première depuis son incarcération. Les seuls à se soucier de son existence. La liberté à un prix, surtout lorsque l’on doit s’en montrer digne.

TOXINE

Pendant ma lecture, j’ai immanquablement pensé à deux œuvres cinématographiques marquantes des années 90 : Oz et Nikita. Oz, série télé ancrée dans un univers carcéral ultra-violent. Controversé et malsain, le programme reste un monument dans son genre. Et Nikita, ou l’ancienne taularde toxicomane reconvertie en arme de combat humaine à des fins militaires. Les parallèles m’ont sauté aux yeux, sans toutefois enlever à la beauté qui rayonne de ce roman unique. D’une noirceur absolue, où percent péniblement quelques lueurs d’espoir, l’histoire nous montre le quotidien de Marianne, terrible, parfois insoutenable, tant la cruauté de ses actes, mais aussi celle de ses ennemi(e)s, fait mal au cœur. Je l’ai détesté, craint autant qu’affectionné. Un mélange rare, comme si la jeune femme était forgée dans un matériau indéchiffrable. Extra-terrestre. Les scènes violentes ne m’ont pas freiné, au contraire. Je voulais que justice soit faite, déstabilisé par l’écriture nerveuse de Karine Giebel. Parfois la sentence aboutit rapidement, parfois il faut attendre, alors le poison de la vengeance s’infiltre sournoisement dans les veines. Introduite dès le prologue, la toxine se diffuse lentement et s’étale sur plus de 700 pages. Du grand art.

HORREUR

Ballottés en tous sens sans nous accorder une seconde de répit, l’auteure fait progressivement monter la tension. L’horreur n’est pas celle que l’on croit. Marianne va l’apprendre à ses dépens, le lecteur aspiré lui aussi dans cette frénésie sanglante. C’est effroyablement efficace, une tension de tous les instants qui maintient en alerte, avec un sentiment ambigu : on souhaite connaître le fin mot de l’histoire sans vraiment le désirer, trop absorbé dans ce roman pour vouloir s’en détacher.


KARINE GIEBEL – MEURTRES POUR RÉDEMPTION

Année de parution : 2010
Nombre de pages : 767
Genre : Drame
Édition : Fleuve


Quatrième de couverture
Tous les soirs se ressemblent, les nuits aussi. Et les jours, c’est pareil. À quoi se raccrocher alors ?
Là, au coeur de la perpétuité.

Marianne, vingt ans.
Les miradors comme unique perspective, les barreaux pour seul horizon. Perpétuité pour cette meurtrière.
Une vie entière à écouter les grilles s’ouvrir puis se refermer.
Indomptable, incapable de maîtriser la violence qui est en elle, Marianne refuse de se soumettre, de se laisser briser par l’univers carcéral sans pitié où elle affronte la haine, les coups, les humiliations.
Aucun espoir de fuir cet enfer. Ou seulement dans ses rêves les plus fous.
Elle qui s’évade parfois, grâce à la drogue, aux livres, au bruit des trains. Grâce à l’amitié et à la passion qui l’atteignent en plein cœur de l’enfermement.
Pourtant, un jour, l’inimaginable se produit. Une porte s’ouvre.
On lui propose une libération… conditionnelle.
 » La liberté Marianne, tu dois en rêver chaque jour, chaque minute, non ?  » Oui. Mais le prix à payer est terrifiant.
Pour elle qui n’aspire qu’à la rédemption…

12 commentaires sur “‘Meurtres pour Rédemption’ de Karine Giebel

  1. Je n’ai jamais vraiment été déçue par Karine Giebel et j’ai tellement entendu de bien de ce roman, il faudrait vraiment que je me le procure. J’ai acheté il y a pas longtemps Purgatoire des innocents que j’ai hâte de commencer.

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  2. Eléonore dit :

    J’ai adoré ce roman mais de l’autrice j’ai préféré « Purgatoire des innocents » (qui est bien trash) et « Les morsures de l’ombre » ! De toute façon tous les romans de cette autrice sont top ! ^^ Je les ai presque tous lus!

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  3. alexmotamots dit :

    Une lecture coup de poing. Un des meilleur roman de l’auteure.

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  4. J’ai du Giebel dans ma PAL mais toujours pas réussi à l’en sortir parce que j’en avais déjà commencé un que j’ai abandonné, pourtant on la vante tellement que je ne peux pas passer à côté, et un avis comme le tien ne peux pas laisser indifférent !!

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  5. Pleack dit :

    Quelle chronique une nouvelle fois ! Je croyais presque entendre Bernard Lehut vanter un bouquin ! Tes mots sonnent juste.
    J’entends énormément parler de ce livre et de Purgatoire des innoncents de Giebel également. Deux pavés qui me rebutent également, mais dont je prendrais surement un plaisir à les lire. j’ai le second dans ma PAL justement !

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    • Jacaranda dit :

      Ah mais tes commentaires me touchent, comme d’hab. Si t’étais pas là, tenir min blog serait bien plus fade et triste. Je connais pas ce Lehut, je vais me renseigner de ce pas ^^ J’ai Le Purgatoire des Innocents qui est dans ma PAL également, ce sera mon prochain de cette auteure !

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      • Pleack dit :

        Dis pas ça y’a pleins d’autres personnes qui commentent ! 🙂
        Mais ça me fais plaisir que tu le penses :p. J’ai encore souvenir de mes deux jours avec Mel et toi 😉
        On pourrait s’en faire une LC ! Même si pour tout te dire je ne sais pas quand j’aurais envie de le lire ! C’est aléatoire xD

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      • Jacaranda dit :

        Oui ça me botte bien 🙂 on en reparlera ! ouais c’était super sympa 🙂

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